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23 mai 2011 1 23 /05 /mai /2011 08:38

 

L'Autre écarte les cuisses, serre les poings et m'expulse à la vie.

Palpée, soupesée, je suis. Déshabillée de ma robe de sang. Rincée, séchée. Propre à exister.

La peau de l'Autre, je veux sentir; de celle qui m'a crachée, là, visqueuse, sur le drap.

Mais des épaisseurs rugueuses sont glissées entre nous, des frontières de tissu pour nous éloigner, nous protéger. Pour séparer, dans l'abondance de chair, ce qui est l'une, ce qui est l'autre.

De force, je suis moi, uniquement moi.

Plus jamais dans l'Autre.

Dehors, pour toujours.

 

 

L'Autre fait des grimaces, je ne sais pas encore que ça s'appelle des sourires.

Tout rétrécit dans son visage, et quand je crois qu'il va disparaître, absorbé par le trou de la bouche, les bosses redeviennent des bosses, les plis des plis, et il y a un bruit très doux, un bruit transparent et tiède qui vient rouler sur ma peau.

Faire venir à moi ce bruit, encore et encore, je veux. Attraper le bruit à sa source, le faire rebondir entre mes mains, et puis l'avaler, ce rire-frère, ce jumeau.

Né du dedans de l'Autre, comme moi.

 

L'Autre et son visage penché sur moi.

La main dans mes cheveux, ou ouverte sur le drap, je ne sais plus.

Je ne sais plus si le désir de sa main sur mon front pour emprisonner mon cauchemar et le jeter par la fenêtre, je ne sais plus si mon désir a soulevé sa main pour la poser sur moi, ou si elle est restée ouverte, inerte, sur le drap.

Les mots ne m'appartiennent pas encore pour dire la peur. La peur du jour où l'Autre ne sera pas là et qui fait de mon ventre un grand trou, et de ma nuit, une longue glissade dans ce trou.

Sur le drap, assise, assise au bord du trou, l'Autre, me donne enfin sa main jusqu'au sommeil.

 

extrait du texte écrit pour le Festival Les Envolires, lecture publique des (h)auteurs samedi 28 mai à 19h dans la Tour de Crest

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