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13 juin 2011 1 13 /06 /juin /2011 20:06

 

L'Autre enlève les cailloux que le chemin a cachés sous la peau, la peau de mon genou.

Le coton imbibé de rouge ajoute de la douleur à la douleur, je voudrais que la main s'arrête mais la main ne m'écoute pas, elle sait, elle sait qu'il faut d'abord souffrir un peu pour ne plus souffrir du tout, elle veut soigner, elle veut rendre au chemin ce qui lui appartient, elle veut que la peau repousse toute neuve sous le pansement.

Alors je m'abandonne à la main sans pleurer. Je fais confiance à son savoir des choses, parce que moi, des choses, je ne sais rien encore. J'essaie de les apprivoiser, mais souvent elles s'échappent de mes mains et elles se cassent, ou alors je me cogne contre elles.

Mais l'Autre est le pansement sous lequel je vais repousser toute neuve chaque fois, chaque fois que je tomberai.

 

 

L'Autre et ses yeux qui s'enfoncent dans les miens, qui cherchent le trou, la fêlure pour rentrer à l'intérieur, l'intérieur de ma tête. Son savoir des choses s'arrête là, là où commence mon silence.

Maintenant que les mots m'appartiennent autant qu'à elle, maintenant que je peux les lancer dans l'air ou au contraire les garder dedans, maintenant l'Autre me regarde comme si j'étais une maison, comme si ma bouche était une porte, comme si elle avait perdu la clé.

L'Autre est dehors. Quand je vois son inquiétude gonfler, durcir, prête à forcer la serrure, j'invente des réponses, je choisis des mots élastiques, des mots qu'on peut tordre, et par la porte entrouverte, je laisse s'échapper mes premiers mensonges.

 

 

L'Autre et son visage qui se cache, avec ses yeux qui jettent des larmes sur les joues, les coins de sa bouche qui les avalent, et ses mains qui se referment par-dessus, ses mains-écrans, chiffonnées sur sa bouche, qui font rempart à ses mots, ses mots qui coulent et que je n'entends pas.

Sous le rocher des mains, les mots sont écrasés.

L'Autre me veut sourde. Elle glisse des épaisseurs de silence entre nous, ferme ses paupières-cicatrices, et repousse le pansement de mes mains.

J'ai mal du mal de l'Autre. Je suis à sa porte. Mon désir de soigner est immense mais mes mains, trop petites, trop petites pour contenir toute cette peine qui du visage de l'Autre s'écoule.

 

extrait du texte écrit pour le Festival Les Envolires, lecture publique des (h)auteurs samedi 28 mai à 19h dans la Tour de Crest

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